Dans le concert des nations africaines, la Tunisie tire son épingle du jeu. Et c’est une information qu’on ne souligne pas assez : selon un classement international publié récemment par le cabinet Secretariat, notre pays figure parmi les dix pays africains les moins exposés à la criminalité économique et financière en 2025.
Avec un score de 1,89, la Tunisie occupe la 68ᵉ place mondiale sur 177 pays classés, mais surtout, elle s’installe en tête du peloton nord-africain, loin devant l’Algérie, la Libye ou même l’Égypte. Une performance notable dans un contexte régional souvent marqué par l’opacité des flux financiers, les circuits informels et les fragilités institutionnelles.
Ce que mesure exactement ce classement ? Trois critères : le niveau de corruption perçue (selon Transparency International), le risque de blanchiment d’argent (Basel AML Index) et l’emprise de la criminalité organisée (Global Initiative Index). En somme, un baromètre crédible de la santé financière d’un pays — et de sa capacité à garder ses finances sous contrôle.
Une performance encourageante, mais pas encore consolidée
Il serait cependant naïf d’y voir un satisfecit définitif. Si la Tunisie s’en sort relativement bien à l’échelle africaine, elle reste confrontée à une réalité plus contrastée. Les dispositifs de lutte contre la corruption ont été posés, mais ils peinent encore à produire des résultats visibles. Le secteur informel représente toujours une part considérable de l’activité économique, et les contrôles restent trop souvent à géométrie variable.
La justice financière avance, mais lentement. Les organismes de contrôle existent, mais manquent parfois de moyens, de soutien politique ou d’indépendance suffisante. Et si la digitalisation de certaines procédures a permis de réduire les marges de manœuvre pour certaines pratiques douteuses, les réflexes d’ancienne époque ont la peau dure.
Une fenêtre d’opportunité à saisir
Pourtant, ce classement offre à la Tunisie une fenêtre d’image qu’il serait dommage de ne pas exploiter. Il existe aujourd’hui une carte à jouer, celle d’un pays qui, malgré les tensions internes, reste perçu comme plus stable et plus intègre que nombre de ses voisins. Cette perception vaut de l’or à l’heure où investisseurs et bailleurs cherchent désespérément des repères clairs en Afrique du Nord.
Mais pour transformer l’essai, il faut aller plus loin : renforcer l’autonomie des institutions de régulation, moderniser l’arsenal juridique, encourager le secteur privé à intégrer les règles de compliance, et surtout… assurer une volonté politique claire, durable, sans calcul de court terme.
Une question d’avenir
Ce classement n’est pas une fin en soi. Il est un signal. Un indicateur parmi d’autres qui nous rappelle que la confiance ne se décrète pas, elle se construit. Et que dans un monde où la criminalité financière devient de plus en plus technologique, agile, globale, les réponses doivent être à la hauteur : cohérentes, coordonnées, constantes.
La Tunisie a montré qu’elle pouvait faire mieux que résister. À elle maintenant de montrer qu’elle peut construire un modèle. Pas seulement pour elle-même, mais aussi pour une région qui a tout à gagner à sortir des zones grises.